Double Sword

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Chapitre I : Le Sorcier Noir

   A la fin de l'Egeron, mois d'automne dans toutes les provinces d'Elvorfilie, en cette année 1355, naquit en un lieu sombre, bien après des siècles de désespoirs qui avaient suivi la mort d'Elvor, l'être le plus abjecte que le royaume porta en son sein. Durant les mois d'hiver, la guerre entre toutes les provinces atteignit son apogée, et le mal crût encore avec elle.

 

Plaine de Mortbois, poste 17 : 15 Egeron 1356 

 

- Capitaine, quelle est cette brume qui s'annonce au loin ? lança à tout-va un vigile du haut de sa tour.

- Ce pourquoi tu es payé sombre larbin. Puis plus fort, afin que tous le camp en éveil se hâta : A VOS POSTES, bande de fennecs des plaines, le brouillard se lève. Préparez les pieux, lâchez les griffons, les embrumeurs arrivent...., lâcha-t-il dans un dernier souffle de panique alors même que le brouillard envahissait le camp. 

   Un cri sinistre se fit entendre, loin puis plus près, tel une corne prête à gémir son flot d'insultes sur les Dévianiens survivants de ces terres frontalières. Puis le silence envahit le camp, les hommes à l'affût ne voyaient pas leurs voisins situés à plus d'un bras. Les brumes les encerclaient un à un isolant chacun d'entre eux comme pour mieux les appréhender.

   Le capitaine sentit une goutte de pluie lui frôler le visage. Portant sa main afin de l'essuyer, il s'aperçut que la goutte était rouge. L'odeur du sang frais coulait le long du mirador laissant échapper le son aigu de la plainte du bois absorbant le sang du vigile transpercé de flèches et le bras pendant, à la limite de se détacher du corps.

   Soudain un choc brutal le fit sursauter. Un pan du mur de bois avait cédé sous l'assaut des pinces d'un mille-pattes géant. Dégainant son épée, il recula doucement. Le mille-pattes s'avançait de pas en pas, créant sur son passage un sillon destructeur, arrachant bras et jambes aux plus téméraires. Derrière lui, des ectoplasmes aux aspects les plus sombres mais en même temps luminescent lâchaient sur leurs victimes leurs flèches traitresses.

   Le capitaine rassembla le peu d'hommes valides restant et leur fit signe de se regrouper derrière l'enclos des griffons. 

- Les griffons sont morts, capitaine, leur enclos a été détruit le premier, il nous ont contourné sur des miles pour nous prendre au réveil.

- Ceci n'est pas un réveil, ceci est notre mort.

   Plus l'heure avançait dans la matinée, plus les brumes s'intensifiaient cachant luminosité et vue. Si les hommes ne mouraient pas par les flèches, ils se confondaient entre eux, s'extirpant les organes afin de les laisser aux vainqueurs. Fracas, lames d'acier et boucliers s'entrechoquant, cris et mort envahirent la plaine de Mortbois au poste 17 au petit matin du 15 Egeron 1356. Quand le silence se fit entendre, et que les brumes furent dissipées pour s'attaquer à d'autres fortifications. Le poste 17 ne représentait plus qu'un marais reluisant de son odeur putride...

 

Château de Dévianie, salle de torture : 17 Egeron 1356

 

   Marchant d'un pas lourd, chaque pas faisant crisser les dents de ses captifs, le roi Bladdyn s'avança jusqu'à une porte toute de métal vêtue. Il prit un petit marteau situé a côté et frappa fort sur la porte métallique. Un bruit aigu se fit entendre dans toute les cellules du donjon. La porte s'ouvrit laissant passer une lumière fine de quelques centimètres :

- Qui va là?

- Ton roi...

   La porte s'ouvrit plus grande alors et laissa entrevoir un petit homme charnu dont le crâne reflétait la lumière sur les murs de la salle. Celle-ci était d'une grandeur impressionnante. Sur les murs, accrochés tel des râteliers de charpentier, des outils de toutes tailles. Une pince ensanglantée de la grandeur d'un pied jonchait le sol.

- A-t-il parlé?

- Non, mon seigneur, il s'entête à ne rien dire, si ce n'est je veux le voir, je veux le voir...

   Se tournant vers une table, il s'avança doucement, mais restant suffisamment loin pour que le prisonnier ne puisse l'atteindre.

- Eh bien me voici, j'espère que ma présence cessera tes infâmes cris...

- Oh oui, je l'espère aussi mon seigneur, de tout les prisonniers que j'ai eu a maltraiter, c'est le seul dont je ne peux me repaître de ses bruits...

- Ce n'est pas à toi que je parle bourreau, écarte toi...Qu'as-tu à me dire Elfe ?

- Bien plus que tu ne le crois mon seigneur, répondit le prisonnier en bavant de son sang.

- Je n'attendrais pas demain, si tu joues ainsi avec moi, je préfère encore te laisser au chiens de ce château... Qu'as-tu a me dire?

- Vos chiens mouraient de la galle si vous m'y laisseriez en pâture...

- La seule raison qui m'aie empêché de te tuer Elfe, c'est que tu es le seul rescapé du poste 10, et crois-moi, ce n'est pas ma gentillesse qui t'a laissé vivre mais le seul fait qu'un elfe des montagnes, allié de l'Adralie, soit ici en Dévianie. Je ne souhaite qu'une chose que tu m'apprennes ce que préparent les Adraliens contre nous...

- Les Uskualiens ne sont les alliés de personnes depuis 1340, vous devriez le savoir, cracha l'elfe en lui envoyant des gouttes de sang...

- Alors que fais-tu en Dévianie, nos hommes t'ont capturé il y a 8 mois, avant l'attaque du poste 10... Tu as préparé l'attaque de ce poste avoue! 

   Une gifle ganté frappa l'elfe de plein fouet, sa tête rebondissant sur la table de torture. Reprenant son souffle, l'elfe poursuivit :

- Je n'ai rien formenté contre vous, Roi Bladdyn, je suis allé au poste 10 pour avertir leurs gardes. Sinon comment m'auraient-ils capturés?

- Tu as tué 15 soldats affaiblissant ainsi leurs défenses. Et de plus tu as réussi a survire à l'assaut. Crois-tu que les alliances se défont et ne se refont pas?

- Voyant qu'ils ne me croyaient pas j'ai du me défendre  jusqu'à ce que leur capitaine me fasse choir à l'aide d'une flèche dormante. C'est cette flèche qui m'a sauvé la vie. Les Embrumeurs ne m'ont pas tué parce qu'ils me croyaient déjà mort. Un Dévianien ne laisserait pas un Uskualien survivre sur ses terres.

- Effectivement, maudit soit ce capitaine.

- Ou peut-être pas mon seigneur. Il a en partie cru ce que je lui ai dit, avez-vous eu le rapport de l'idiot?

- Oui, je l'ai lu, mais cet individu a vécu au poste 9, et son argumentation ne tient que celle de l'alcoolique qu'il était.

- L'alcoolique peut-être, mais n'ayant rien bu pendant 2 jours, je n'y crois pas. Il avait toute sa tête lorsqu'il a écrit cela. Relisez ses lignes.

- 3 strophes, si tant soit peu il est permis d'appeler cela des strophes. Yeux luisants, odeur putride en me couchant, prisonnier depuis 2 jours.

- A votre avis de qui parle-t-il lorsqu'il dit odeur putride en me couchant.

- De sa geôle pardi! mon seigneur, ne l'écoutez pas plus, il divague sur les dires d'un fou.

- Tais-toi bourreau, laisse le finir. Explique-toi l'elfe?

- Il dormait en compagnie des autres gardes, si son alcoolisme a pris fin lors de son emprisonnement cela ne peut s'agir de son odeur dans sa geôle.

- Il n'a fait que mieux la sentir en reprenant ses esprits, lâcha le bourreau. Une autre gifle gantée heurta l'elfe.

   Dégainant son épée, le roi Bladdyn bondit sur le petit homme chauve, le souleva d'une main et le plaqua contre le mur près de ses outils de torture.

- Parle encore une fois et je demande à l'elfe de t'écorcher vif ...L'efle sourit.

- Seigneur, pardonnez moi seigneur...

   Un liquide jaunâtre glissa le long du mur. Le roi lâcha l'homme qui s'affala dans sa peur.

- De qui voulait-il parlé ?

- Des gardes mon seigneur, l'odeur putride est celle d'un corps en décomposition.

- Les gardes étaient malades?

- Oui et non, disons qu'ils se décomposaient psychiquement.

- Aucun rapport n'a mentionné ce sujet.

- Effectivement parce que tous ont été atteint le même jour. Le fou faisait parti d'un fort d'élevage de griffons, il n'a pas été touché par la maladie. Mais il a vu ses camarades se faire avoir. J'ai retrouvé une note de l'idiot, ou il avait fait mention de ce qui s'est passé. La note n'a pas pu être transmise.

- Comment le sais tu?

- Je l'ai retrouvée dans le bureau du capitaine du fort. Elle a du être interceptée, le fou a dû être pris au piège puis mis en prison, afin de servir de pâture au embrumeurs. 

- Et les yeux luisants serait une conséquence de la maladie.

- Une conséquence de leur envoutement.

- Impossible, on peut pas envouter toute une garnison en un seul coup.

- C'est exact et c'est pourquoi ceux qui envoutent les gardes ont fait appel aux embrumeurs pour finir le travail. Remarquez mon seigneur qu'aucun poste attaqué n'a pu libérer les griffons au moment de l'attaque.

- C'est exact, sinon les embrumeurs n'auraient mêmes pas pu détruire le premier poste. Les griffons survolent leurs brumes et peuvent voir comme personne ne peut voir à travers ces brouillards.

- C'est pourquoi les embrumeurs n'ont pas pu vous anéantir depuis 1340. Les élevages de griffons ont très bien fonctionné, surtout depuis que vous les aviez placé en arrière et non au centre des postes.

- C'est une précaution que nous avions pris car les griffons ne pouvaient être libérés à temps si l'attaque était soudaine, le camp attaqué en premier servait de repère.

- Et cela a fonctionné jusqu'à il y a 17 mois. Lors de la première attaque, les griffons étaient déjà morts, et les suivantes ont suivi le même schéma. Les gardes des forts d'élevage ont été envoûtés avant chaque attaque et ce sont ces mêmes gardes qui ont tué les griffons pris au pièges dans leurs enclos.

- Alors cela voudrait dire que des intrus sèment la panique dans nos propres rangs. Aucun homme ne pourrait le faire.

- Parce que ce ne sont pas vos serviteurs mon seigneur. Les yeux luisants sont le reflet d'une vieille légende, qui date de bien avant Elvor. Le roi sorcier, maudit par Elvor est sans doute à l'origine de tout cela.

- Mensonges, lâcha le Roi Bladdyn. Le sorcier Noir a été refoulé dans la forteresse la plus secrète qui soit , elle est gardée en ... en ...

- En Adralie mon seigneur, que croyez-vous que le mal a libéré le premier? Si les embrumeurs n'ont pas pu vous avoir jusqu'à maintenant, c'est qu'ils avaient besoin d'alliés plus puissants pour anéantir vos griffons de Mortbois. Le roi Bischop, sorcier noir connaît tout les rituels d'envoûtement possibles et imaginables.

- Aucun rituel ne peut envoûter toute une garnison.

- Aucun jusqu'à hier... Le sorcier noir a trouvé le moyen de créer des spectres capables d'envoûter des hommes. Quand je me suis réveillé, au poste 10, j'ai vu des hommes tombés au sol, se désagrégeant petit à petit comme un corps mort dont la décomposition s'accélérerait à un rythme rapide. De leurs corps s'échappaient des âmes qui se dissolvaient. Le sorcier noir ne peut pas envoûter toute une garnison d'un coup, car il a besoin de beaucoup de spectre. C'est pour cette raison que les attaques sont cycliques et mensuelles. C'est aussi peut-être ce qui a sauvé le fou, il n'a pas pu être envoûté car le sorcier a manqué d'âmes. A moins que son esprit déjà torturé ne puisse accepter d'autres esprits.

- Comment le sorcier noir peut-il passer nos lignes?

- En le bannissant, Elvor a fait de lui un spectre, pensant à juste titre à cette époque, qu'en tant que spectre, il ne pourrait pas nuire. Aujourd'hui c'est son aspect spectral qui lui permet de passer nos lignes sans être vu.

- Pourquoi nous aides-tu?

- La loi ancestrale d'Elvofilie fait que chaque province peut s'allier ou se désallier de sa province voisine. Mais la haine de chaque province envers sa province éloignée, autrement-dit la haine que porte Adralie envers Dévianie et Melwindie, ne peut pas permettre d'alliance. Parce que vos provinces apportent la vie alors que l'Adralie apporte la mort. 

- Tout comme tu détestes notre province et les îles Biblos pour notre vie et leurs science.

- Oui seigneur, mais aujourd'hui il y a une différence, les embrumeurs vont atteindre le dernier poste de défense de Dévianie avant vos plaines. Celles-ci ne feront pas le poids, vos fermiers se réfugieront dans votre château et il ne vous restera plus que celui-ci pour vous défendre.

- Tu devrais être heureux.

- Heureux, oui, je pourrais l'être, là où malheureusement je devrais l'être, je ne le suis pas.

- Cesse tes devinettes!

- Si Dévianie tombe, Melwindie suivra. Et si Melwindie tombe, la loi oblige Adralie nouveau centre du royaume à être élue à la tête de celui-ci. Et personnellement, je ne veux pas de Bischop comme seigneur tout-puissant. Maar est cruel mais Bischop est plus cruel encore.

- Nous y voilà, tu comptes détruire les îles Biblos avant de détruire Dévianie pour que ton Maar soit le maître de ce monde?

- On pourrait voir les choses ainsi, mais même si notre roi Maar devient roi d'Elvorfilie, il mourra par la main de Bischop. Cydoc, le roi d'Adralie n'est plus que l'esclave du sorcier noir. Disons que tant que le sorcier noir est vivant, je préfère vivre dans la parfaite équité des provinces.

- Je vois. Bourreau appelle Ertgurd et dis-lui de me rejoindre dans la salle du trône. Demande à 30 soldats d'enchaîner cet elfe et de l'amener lui aussi dans la salle du trône. Précise-leur de ne pas s'approcher de lui à moins d'un mètre lorsqu'il le déplaceront, sinon ils mourraient avant de l'avoir touché. 

- Seigneur, s'enquit le bourreau, certain passages qui mènent a la salle sont plus étroit qu'un mètre.

- Qu'ils le traînent mais qu'ils ne s'en approchent pas. 



27/03/2007
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