Double Sword

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Chapitre II : Voyage de raison

   La corde serrée autour de ses poignets rendait l'évasion plus difficile, mais elle n'en restait pas moins possible. Les liens lui cuisaient les poignets et les avant-bras retenus en arrière. Les gardes avaient été assez naïfs pour penser qu'une corde suffirait à retenir Uskus Ktaïad. Celui-ci n'attendait plus que le meilleur moment pour en profiter... Accompagnés de sa troupe il avançait lentement, savourant l'air frais qu'il n'avait pas senti depuis plusieurs mois. Il laissa les premiers escaliers derrière lui, il préférait attendre d'être plus près du roi pour agir. Les torches l'aveuglaient de leur lumière scintillante, celle du jour serait-elle plus clémente ? Il entendit du coin de son oreille un garde barbu qui savourait l'extrême obéissance de l'elfe. 

- Jamais vu un prisonnier aussi docile, pourquoi est-on si nombreux à garder ce cul terreux ?

   Uskus sourit, il savait désormais que les gardes en plus de leur naïveté, seraient surpris. Ils arrivèrent dans un tournant, menant à une tour, ce fut le moment qu'il choisit. Il laissa passer la moitié des gardes. Le couloir mesurait moins d'un mètre, il avait était conçu pour bloquer les envahisseurs. Le château de Dévianie, était sans doute la forteresse la plus complexe en matière d'architecture. Plus le temps avait passé, plus les ministres de la défense avaient complexifié à loisir ses murs. Créant des embranchements mortels en pattes d'oies, ou encore en rétrécissant le chemin afin d'obliger les adversaires à se battre l'un après l'autre. Ce couloir tournant limitait également la vue. En entrant dans le virage, on était masqué dans les deux sens durant quelques secondes, ce qui provoquait la surprise à chaque passage d'un chevalier. Celui-ci ne voyant pas en amont ce qui arrivait à ses alliés. 

   Uskus entra à la suite des quinze premiers hommes et s'arrêta dans l'angle, attendant patiemment que les hommes suivants entrent eux aussi. Il profita de l'espace de quelques seconde pour utiliser la flamme de la torche afin de brûler la corde. Celle-ci mit plus de temps qu'il espérait pour se rompre. Il sentit néanmoins qu'elle commençait à céder. Lorsque le premier soldat entra, il dût utiliser ses jambes pour le déséquilibrer. Il s'abaissa, et tourna sur lui même, crocheta le pied du soldat. La tête du malheureux heurta violemment le sol. Il ne se releva pas. En forçant sur la corde Uskus savait qu'il pourrait s'en défaire, mais un autre soldat entra, il vit d'abord le corps du premier soldat allongé au sol avant de relever la tête sur le pied de l'elfe. Le coup le fit partir en arrière, et c'est avec agilité que Uskus mordit dans la tunique du soldat pour le retenir avant que celui-ci ne tombe et alerte les suivants. Il l'envoya contre le mur, la lourde armure cogna la pierre mais le son fut sourd et le garde s'effondra sur le sol. Les deux soldats suivants sentirent tout deux la tête de l'elfe frapper le côté de leur visage ce qui les assommèrent également. Uskus put enfin retirer la corde, et lorsque les soldats suivants arrivèrent il les heurta du doigt au niveau de la nuque, trois furent paralysés et le quatrième endormi. Le nombre des corps commençait à se voir, et les soldats restants pénétrèrent l'arme au poing. Uskus ramassa une masse, et brisa le bras du premier au niveau du coude ce qui l'obligea a lâcher son arme. Le suivant reçu un léger coup sur le heaume ce qui l'envoya dormir auprès des autres. Uskus en profita pour ramasser un bouclier et retourna dans le premier couloir. Il heurta un autre soldat de plein fouet, ce qui eu pour effet de le faire reculer dans l'angle mort du couloir. 

   N'ayant pas vu les soldats ni le prisonnier avancer, les soldats du haut, ceux qui avaient franchi le passage les premiers, retournèrent dans le couloir. Uskus aperçut le premier soldat du haut arriver et commença à réaliser l'efficacité du piège lorsque les défenseurs du château réussissaient à encercler leurs attaquants. Lâchant ses armes l'elfe sauta les pieds écartés et frappa les soldats au visage. Celui du haut tomba sur les soldats qui le suivaient, ce qui laissa le temps a Uskus de reprendre le bouclier et de se protéger de la masse du soldat du bas. Celui-ci beaucoup plus grand que les autres, n'avait rien ressenti quant au coup de pied d'Uskus.

   Le bouclier vola en éclats, laissant des échardes dans le bras d'Uskus. L'elfe ramassa, un morceau de bois, évita un nouveau coup de masse en  roulant sur le côté et planta le morceau bois dans le pied du géant. Ce dernier hurla en s'écroulant lourdement sur les autres gardes derrière lui.

   Ramassant la masse d'arme, Uksus l'envoya se fondre dans le heaume du garde suivant. Il put dévaler les escaliers qui menait au bas du couloir et se mettre debout face aux trois derniers soldats. L'un d'entre eux pointait un arc dans sa direction, mais le piètre tireur laissa le temps à Uskus de foncer sur lui, lui arracher la flèche et de lui planter celle-ci dans le bras gauche. Un piètre tireur, gaucher de surcroit, était pour Uskus une raison suffisante pour ne plus jamais l'autoriser à se servir d'un arc.

   Les deux autres soldats foncèrent sur lui épée à la main, Uskus évita la première qui se figea dans une armoirie. En s'abaissant il frappa le garde au niveau du coeur, lui coupant le souffle puis le heurta de sa tête. Les gardes du haut commençaient à s'approcher. Leurs voix se faisait entendre. Uskus mis l'arc en bandoulière et prit l'épée fichée dans l'armoirie et bretta le troisième homme. Il le poussa sauvagement contre une colonne ce qui l'assomma également. 

   Il lâcha ensuite l'épée et profita de ce moment de répit pour ramasser les flèches de l'archer en lui assenant un coup de pied au visage pour le faire taire. Un archer piètre ne devrait pas hurler à la vue de sa propre flèche dans son propre bras.

   L'arrivée des gardes du haut fut fulgurante, mais pour un elfe archer aussi aguerri que Uskus, il les trouva lents. Sa première flèche ficha les deux premiers soldats à épaule. Roulant ensemble sur le sol, la flèche se brisa, ce qui augmenta leur souffrance. Quelques coups de pied respectifs les fit taire. Les soldats suivants furent empalés au mur, limitant la place au suivant mais bloquant le passage à Uskus. Voyant cela, il remit l'arc en bandoulière, et pris la masse qui jonchait encore le sol. Il assomma le premier, brisa le bras du suivant qui se débattait farouchement de son épée et l'envoya ensuite rejoindre ses petits camarades.

   Les dix derniers soldats subirent plus ou moins le même sort. En remontant tranquillement l'escalier, Uskus remarque un soldat qui se réveillait, il s'agissait du soldat barbu ayant soumis l'idée qu'Uskus était docile. S'approchant de lui, il lâcha dans l'oreille du garde. 

- Le cul terreux te salue, quand à ta question, voici la réponse. 

   Et un violent coup de poing heurta le garde de plein fouet au visage, le rendant à son tour aussi docile qu'un enfant dans le berceau.

 

   Uskus arriva enfin devant la porte de la salle du trône, une heure s'était écoulé depuis le départ de son transfert. Il s'était plus ou moins perdu dans les couloirs, avait profité d'un passage furtif dans une cuisine pour se restaurer et chiper quelques provisions. Lorsqu'il frappa sur la lourde porte d'or il sentit la grandeur de Dévianie résonner dans ses oreilles, le son était doux et la musique résonnait la vie.

   Il ouvrit la porte, sans même qu'on le lui demande, entra dans la pièce et fut d'abord émerveillé par sa grandeur. D'une luminosité époustouflante, la pièce reflétait la douceur. Comment un roi si cruel pouvait vivre dans tant de douceur ? Des colombes voltigeaient, et leurs amours enflaient la pièce d'espoirs et de désirs. Les courtisans du roi, eux, s'étaient brutalement reculés de plusieurs pieds en voyant l'elfe au bras ensanglanté.

- Eh bien l'elfe, je peux encore m'apercevoir de l'inefficacité de mes gardes, quoiqu'il en soit tu en as mis du temps pour arriver jusqu'ici.

- Seigneur, vos gardes sont peut être trop épris de l'amour de cette pièce pour se battre correctement à l'instar de son roi qui ne frappe pas plus que son bourreau.

- Silence, Hurla Bladdyn, tes insultes n'ont pas lieu d'être et mes archers sont prêts à t'abattre comme un chien.

   A ce moment du haut des balcons qui ornaient la pièce, une cinquantaine d'archers se redressèrent arcs au poing et flèches engagées.

   Uskus lâcha un petit « Oups » avant de se reprendre.

- Seigneur, si ces cinquante archers sont aussi piètres que le dernier, je pourrais tout au moins comme vous l'aviez supposé lors de notre dernier entretien amoindrir de moitié les forces de cette salle.

- Ta mort viendra, Elfe, mais avant je vais te confier une mission.

- Une mission, Seigneur?

- Oui, car comme je l'espérais tu es venu en cette salle, soit ta curiosité quant au sort que je te réservais ta soudainement ému, soit tu es digne de confiance. La seule chose que je ne comprends pas, c'est pourquoi il t'a fallu tuer mes hommes, aurais-tu Dévianie en haine à ce point pour tuer trente valeureux Dévianiens.

- Je me présente à vous seigneur, libre, comme cela aurait dû l'être depuis le début, si vos hommes ne s'étaient pas interposés.

- Alors c'est cela.

- Quant à vos hommes, quelques ecchymoses, un ou deux bras cassés, rien de plus, ils survivront. Je ne suis pas un assassin, juste un espion mandaté par Maar.

- Pourquoi le trahis-tu?

- Je ne trahis personne, Seigneur, je vous l'ai déjà dit, je rééquilibre le monde tel qu'il doit l'être.

- Tu es un partisan d'Elvor, n'est ce pas.

- Oui. Beaucoup d'elfes d'Uskulaie croient encore en la force d'Elvor, elle a crû ces derniers temps. J'aurais dû être à sa recherche avant d'être envoyé en Dévianie. Mais Maar a préféré envoyer son meilleur élément comprendre pourquoi vous étiez tant affaiblis avant de chercher un... comment dit-il déjà... un mirage.

- Eh bien Uskus, voici Ertgurd.

   Un nain à la barbe pendante, s'approcha. Il tenait une hache de cinq pieds, plus grande que lui et massive, il regarda Uskus d'un air dépréciateur.

- Seigneur, dit-il...

- Ertgurd t'accompagnera en Uskulaie, ainsi tu pourras dévoiler à Maar ce qu'il se passe ici. Et Ertgurd apportera le message suivant.

- Qu'est-ce? demanda Uskus.

- Une alliance. Non pas contre Cydoc mais contre le Roi sorcier. Si Cydoc est réellement sa victime, il est du devoir de chacun de prévenir les rois des autres provinces du danger que nous encourrons tous. Deux messagers sont déjà partis en Melwindie et dans les îles Biblos. Tu n'as qu'as t'occuper de ce message et de la survie du messager.

- M'occuper d'un nain c'est pour moi, la plus terrible des punitions, renvoyez-moi dans ma geôle, je préfère encore faire souffrir les oreilles de votre bourreau.

- Et moi, dit soudain Ertgurd, je préfère encore partir seul et affronter tous les gobelins des gorges de Sotul. 

- Quel beau couple vous formerez tous deux, on pourrait vous marier sur-le-champ si mon bon désir s'en faisait sentir. Alors tâchez de vous sentir heureux ensemble pour un simple voyage de quelques mois. 

- Pourquoi moi seigneur? d'autres héros valent ma bravoure. 

- Effectivement Ertgurd, mais je sais, par le fait de ta race, que tu veilleras également sur l'elfe. Et lui sur toi, ainsi votre mission sera obligatoirement réussie car vous tiendrez chacun à montrer à l'autre les capacités et le courage de votre race.

- Excellent choix, seigneur Bladdyn lâcha le conseiller du Roi, vous êtes ingénieux de mettre en compétition les messagers.

- Très bien, puis-je au moins me restaurer et m'équiper, demanda Uskus. Ne laissant à son cerveau que le temps de se demander comment il réussirait sa mission en se débarrassant tout bonnement du nain et en lui montrant ainsi que sa race était indubitablement la meilleure.

- Tu retrouveras ton équipement de départ. Quant à ta restauration, on m'a rapporté qu'un poulet avait subitement disparu, ainsi que plusieurs vivres, je suppose que tu ne sais pas où elles sont passées?

- Pas le moins du monde, mon seigneur, vos cantinières sont sûrement de fâcheuse constitution, n'est-ce pas?

- POUAH, les elfes des montagnes seront toujours aussi menteurs contrairement à ceux des bois, quant aux formes de mes cuisinières, j'avoue qu'elles pourraient faire quelques cures de temps à autre.

- Il doit s'agir de l'amour de leur cuisine pour vous mon seigneur qui les fait enfler, rapporta le conseiller.

-Sans doute Deldre. Dis-moi une dernière chose l'elfe avant de partir, quel est ton nom, que je puisse te retrouver si le besoin en est?

- Uskus Ktaïad, archer et espion du Roi Maar, elfe des montagnes et arrière petit fils de Uskus Laie, fondateur de Uskulaie. 

- C'est donc toi, l'espion légendaire? Dont les années, dit-on, n'ont pas effacé ta force dans l'attente de récupérer le trône d'Uskulaie?

- Mon père a perdu l'usage de sa vue et a été bafoué par la famille de Maar, mais Maar bien que méfiant m'a toujours considéré comme le vrai roi et me demande conseil.

- C'est aussi pour cela qu'il t'envoie à l'autre bout du royaume, pour que ta vie se taise avec ta lignée à tout jamais, lâcha Ertgurd.

- Je ne vois pas les choses ainsi, mais un jour, Maar mourra et je retournerai sur le trône après lui...

 

   Plus tard dans l'après-midi, les chevaux ferrés, le coeur lourd, Ertgurd grimpa sur le cheval pour la dixième fois, et retomba de l'autre côté pour la dixième fois.

- Un coup de main le nain? peut-être puis-je te débarrasser de ta hache pour que ton corps face enfin l'équilibre.

- Afin de me décapiter une fois la haut?

- Je n'attendrais pas que tu sois monté, je n'ai aucune intention envers cette pauvre bête qui te sert de monture. Et de plus je n'agirais pas devant la cour. Il est des esprits que tu rencontrera dans ta vie qui sont plus subtils que tes intentions.

- Mes intentions sont plus fortes que les tiennes.

- Si tant soit peu qu'elles puissent décoller du sol ...s'esclaffa l'elfe.

   Enragé, le nain, souleva le pied de l'elfe, et fit basculer celui-ci. Uskus s'étala sur le sol de tout son long. Le nain explosa de joie.

- Mon roi, la compétition est une chose, le défi en est une autre, aucun des deux n'arrivera a destination à ce rythme. Croyez-vous qu'ils puissent y arriver, on peut encore remplacer Ertgurd par un autre de nos héros.

- Laisse-les donc se battre, pour le moment, c'est la rancoeur qui les affaiblit, le jour où il devront lutter ensemble, ils se réuniront. Leur alliance, Deldre, est le début de l'avènement du bien.

   Uskus releva la tête et vit une main lui tendre de l'aide.

- Maintenant, j'ai une raison de te donner ma hache dit le nain, car tu me devras une dette. 

   Uskus lui prit la main et se redressa. Ensuite il prit la hache, le nain grimpa sur le cheval encore à deux reprises avant de se stabiliser et Uskus lui rendit sa hache puis il monta lui aussi. 

   On vit en cette fin d'après midi du 17 Egeron 1356, une bien étrange procession dans les rue de la capitale. La plus insolite mais certainement la première d'une longue série d'ententes...

  



28/03/2007
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