Double Sword

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Chapitre VII : En terre noire


Le souffle des ténèbres se faisait sentir sur toute la région, grisonnant, rafraîchissant l'air et étalant son désir de créer l'ombre, de donner la sensation de peur.

Le ciel n'était jamais clair en cette région, on pouvait au mieux espérer un nuage vieilli et épuré de la plupart de ses gouttes de pluies qu'il répandait à travers tout le marais. L'air, lui était vicié et lourd, il sentait l'odeur nauséabonde de la putréfaction, de corps nonchalamment exposé aux rudes intempéries du Sud d'Elvorfilie. Cette région située à l'est d'Uskulaie, souffrait de la chaleur de cette dernière, du feu des volcans et laves souterraines qui avaient donné naissance à l'élément feu. De l'autre côté, au Nord Est, les îles Biblos, cernées par leurs eaux, apportaient la fraîcheur et abondaient en humidité nouvelle. Du mélange de ces deux éléments, l'eau et le feu, ne pouvait que naître un élément plus terrifiant encore, un élément dont la nature mélangeait la force du feu, et la puissance de l'eau : l'élément des ténèbres était né de tout cela. Les marais d'Adralie reflétait cette osmose : des marécages nauséabonds, d'un bout à l'autre, des Sources d'Uskulaie à la mer de Biblos.

 

Donjon de Vicvrinor : 22 Egeron 1356

 

Du haut du parapet, le regard vide, Reisbaur, contempla une dernière fois les marais puis se retourna et se dirigea vers la porte du donjon, dans quelques instants, la tranquillité du néant ne serait plus pour lui qu'un vague souvenir.

Reisbaur franchit le hall, tourna à droite et frappa à une porte. La porte s'entrouvrit, puis il entendit une petit voix :

- Qu'est ce donc?

- Reisbaur, je viens voir ton maître.

- Entre, le maître attend de tes nouvelles depuis trop longtemps.

Reisbaur pénétra au sein d'une large pièce peu meublé en dehors d'une longue table ornée de mets divers, d'un siége au bout de la table, suffisamment grand pour accueillir un souverain et d'un serviteur bossu, vieilli par la tâche, traînant derrière lui un boulet enchaîné à son pied droit.

- Où est ton maître esclave, s'exclama Reisbaur, tu me fais perdre mon temps.

- Je suis là Reisbaur, s'enquit de dire une voix rauque et ténébreuse, d'un ton de ténor, elle repris :

- C'est à moi, que tu fais perdre mon temps Reisbaur. Qu'en est-il du colis? Cela fait des mois que je t'attends.

- Maître et seigneur, mais... Mais où...

Une forme diffuse, grise, puis lumineuse apparut derrière la longue table, un pâle visage ceint d'une couronne spectrale d'or, le regardait fixement dans les yeux au point que son regard était insoutenable. Reisbaur baissa la tête, et regarda ses jambes flageolaient devant le frisson qui l'avait parcouru au moment de l'apparition.

- Je suis toujours là, Reisbaur, tu sais bien que j'entoure qui je souhaite de mon voile...

- Oui seigneur, il ne peut en être autrement. En ce qui concerne le colis, seigneur, il a été intercepté.

- Intercepté ? Vraiment ? En es-tu bien sûr...

- Oui Seigneur, il a coulé dans le lac des Morts en Dévianie avec son porteur.

- Je connais le lac des Morts pour y avoir séjourné longtemps, les morts ne m'ont pas parlé de ce colis, hormis le fait qu'un homme s'est noyé, ils n'ont rien trouvé.

- Pourtant seigneur, je l'ai abattu moi-même et l'ai vu coulé, les morts ne peuvent tout voir...

- Les Morts voient tout !!, ils sentent tout, jusqu'au plus profond de ton âme, ils pourraient sentir le moindre de tes désirs et les faire fuir devant la plus grande de tes peurs... s'écria la forme lumineuse. 

Reisbaur recula devant cette luminescence qui croissait lorsque son ton montait.

- Pardonnez mon inculte savoir des forces obscures, seigneur, mais...

- Cydoc m'a donné son meilleur assassin et voilà que celui-ci me dit qu'il est inculte en la matière... À quoi bon pourrais-tu me servir Reisbaur?

- Je peux tuer, seigneur, je connais bien des morts étranges, lugubres et sombres, les victimes de mes lames peuvent souffrir ou mourir vite, je sais prendre les précautions pour cela, faire parler mes victimes sans les tuer en le montrant leur limite de souffrance. Je connais les points interne de tous les êtres qui peuvent nourrir mes folies sanglantes... Mais en aucun cas je ne connais les morts eux-mêmes.

- Eh bien Reisbaur, tu viens de te sauver d'une affreuse souffrance, j'ai peut-être pour toi une dernière mission de quoi te montrer capable cette fois et utile dans cette forme humaine. Il semblerait que le colis soit arrivé dans les îles Biblos malgré la mort de son porteur. Les morts m'ont parlé d'une barque flottant sur le lac.

- La barque, j'aurais dû m'en doutais, le messager à du laissé le colis à l'intérieur...

- Oui, il semble, le colis a continué son chemin, pourquoi ne pas l'avoir arrêté?

- Aucune autre barque, ne flottait à quai. Et il me semblait que le messager avait le colis sur lui lorsque je l'ai blessé.

- Apparemment pas, sinon les morts l'auraient eu.

- Pourquoi n'ont-ils pas arrêter la barque alors eux, s'ils sont si malins?

Reisbaur fut projeté avec violence contre le mur. Sa tête heurta un flambeau. L'esclave recula et se cacha derrière un pilier portant son boulet pour courir plus vite. La lumière avait envahi toutes la pièce. Maintenant elle diminuait à nouveau.Reisbaur se réveilla avec des marteaux sonnant leur mal être dans le crâne...

- Insulte une dernière fois les morts et je te maudis à jamais Reisbaur, tu iras les rejoindre... Sache pour ton inculture que les morts du Lac ne peuvent pas remonter dans les cinq premiers mètres de l'eau... Ils sont bannis pour leurs actes guerriers lors de la bataille de Mortbois, beaucoup faisaient partis de mes hommes. Aucun n'a pu être mieux sacrifié qu'à mon profit, mais tous le payent aujourd'hui, depuis ce jour, le lac a été renommé ainsi parce que tous ceux qui se noient ne sont jamais remontés à la surface. Il viendra un jour où tous ceux qui sont resté au fond remonteront mais pour cela, il faut que je conquière toute la province de Dévianie. Lorsque le château tombera, les morts sortiront... En attendant, il te faut passé dans les îles Biblos et savoir ce que le colis a apporté à ses habitants, tu iras là-bas et tu tueras chaque personne qui sait où est ou a eu notion de ce colis. 

La voix caverneuse s'interrompit, laissant le temps à Reisbaur de se relever, et de se prosterner devant l'être informe.

- Bien Maître, je pars de ce pas...

- Tâche de revenir avec le colis cette fois, et les têtes de leurs destinataires, ou bien les morts te feront payer ton insolence de cette journée...

 

Lac de la mort, berge Est : 19 Egeron 1356

 

Le long du lac, Echirel Luameguli, cherchait une herbe proche de la primevère et du nénuphar... De toute son enfance, on ne lui avait parlé que de ce lac maléfique dont il valait mieux s'en éloigner que de s'en approcher. Pourtant Echirel avait entendu parler de l'importance de ses fleurs. D'après les légendes populaires, les fleurs du lac tiraient leurs racines des morts qui s'étaient noyés et ne flétrissaient jamais même l'hiver, et surtout en hiver. C'est lors de la saison froide que leur splendeur reflétait toute leur lumière et leur beauté. Les légendes disaient également, que ces fleurs, les Léotonis, pouvaient absorber de leur parfum l'âme de chacun. D'autres disaient que l'on en était enivré au point d'être soudain ivre de plaisir, tel un ivrogne après une nuit bien arrosée. Que les légendes viennent de l'Est ou de l'Ouest, tous ceux qui en reniflaient l'essence même pouvaient aussitôt divaguer au point d'oublier leur si proche situation près du lac. Pour ceux qui d'ailleurs s'en étaient trop approchés, ils y tombaient et se noyaient à leur tour, ne cherchant même pas à nager auprès de la rive comme si quelques mystères les entraînaient au fond, laissant alors à leur tour pousser une fleur au sommet de l'eau.

 

 

Les Léotonis avaient d'autres facultés inexploitées par la science des Ondins... Echirel souhaitait démontrer qu'elle pouvait créer une potion à base de Léotonis permettant de contrôler autrui. Mais elle n'avait jusqu'à présent pu s'offrir que la théorie. Aujourd'hui elle était près du Lac, et elle sentait l'odeur des fleurs... Tout d'abord, l'odeur était alléchante, étrangement alléchante, elle sentit le désir de se mouvoir dans l'eau montait en elle. De toute façon il faudrait en détacher une ou deux si elle voulait en cultiver dans son laboratoire d'alchimie. Elle entreprit de retirer son manteau, le froid la saisit et tout son être frissonna avec le vent qui montait du large.

Elle retira également ses sandales, et laissa tomber sa longue robe de mage. Puis elle pris son couteau et s'enfonça dans l'eau. L'eau était glacée. Cela aurait dû l'avertir. Sa mère lui avait un jour racontait que si l'eau du lac n'était pas tiède mais froide au point de sentir le froid sur les os, comme si ceux-ci étaient de verre, alors c'est que quelqu'un a rejoint les morts... Mais Echirel tenait plus que tout au monde à montrait aux ondins que leurs sciences n'étaient qu'au début de leur commencement. Les ondins sont de fières personnes dont la culture dépasse les temps d'Elvor. Echirel avait vécu dans cette culture, toute sa vie était baignée de rencontre avec d'illustres savants. En réalité, on lui a toujours montré qu'il pouvait y avoir plus ailleurs, des choses que personnes n'avaient encore découvertes, et Echirel y tenait plus que tout, car si la Reine Mirelitlan le voyait ainsi, alors elle deviendrait mage du royaume.

 

Les hanches d'Echirel baignaient déjà l'eau lorsque la sensation agréable revint, l'odeur des Léotonis se fit de nouveaux sentir. Elle pris son couteau et s'approcha de l'une d'elles. Elle était encore proche de la rive. Lorsqu'elle saisit la fleur par la tige pour la couper, elle se sentit comme bloquer dans son geste... Elle sentit son bras lourd, et retenu par une force inconnu comme si la fleur la repoussée, ne souhaitant être découpée.

Echirel retint son souffle, puis se concentra, réunit une énergie importante qu'elle puisât dans l'eau. Echirel était une enfant de la mer, elle savait puiser la force de l'eau pour réussir ses incantations. Lorsqu'elle pu se concentrer de nouveau, elle coupa la fleur d'un geste. Une légère étincelle de lumière apparut suivie d'une nuée de poussière qui sortit de la fleur. Un léger voile grisé s'échappa de la tige et s'évapora dans l'air, laissant derrière lui la même et plaisante odeur... Cette odeur se répandit dans les narines d'Echirel, et continua à flotter dans l'air un long moment. Echirel coupa deux autres fleurs avant de se sentir tout à coup mal à l'aise, l'odeur lui avait embrumé le cerveau désormais elle sentait une odeur nauséabonde, elle-même se sentait nauséeuse, elle fut soudain prise de vertige, puis perdit connaissance.

Son corps s'écroula dans l'eau, et dériva vers le large. Echirel avait pris la précaution de rester prés du bord, elle heurta bientôt une barque, qui la réveilla, l'odeur était partie, lorsqu'elle se débattit, elle se rendit compte qu'elle n'avait plus pied, heureusement pour elle cet endroit du Lac était dénué de fleur, c'est sans doute pourquoi elle ne fut pas plus étourdie par leur parfum et qu'elle pu se réveiller avant de sombrer... Elle s'agrippa à la barque, et pu se dresser dedans. Une fois à l'intérieur, elle prit la rame, et commença à ramer, elle s'aperçut que son bouquet l'avait suivi, elle hésita à le ramasser mais le pris quand même. C'était la quantité qui avait pris d'assaut le cerveau d'Echirel, pas cette poignée de fleurs...

Elle pu atteindre le bord du lac, elle s'approcha d'un rocher qui était entouré par les Léotonis, mais qui était suffisamment haut pour ne pas être à porter du parfum, elle jeta le bouquet par-dessus pour pouvoir se hisser, lorsque posa la main sur le rocher, elle vit un coffre brillait sous le siége, elle le prit et entrepris de le lancer aussi, après tout, les dieux avaient peut-être voulu la récompenser pour son exploit, combien n'avaient pas eu sa chance...?

Puis elle se hissa sur le rocher, sa poitrine heurta un pic et la griffa, elle sentit le sang couler le long de ses formes gracieuses, mais continua son ascension. Une fois montée, elle récupéra ses vêtements, fit un bandage recouvrant son sein blessé, puis entreprit d'ouvrir le coffre. Elle ne pu l'ouvrir. Il était scellé d'une magie qu'elle ne connaissait pas. Elle le retourna pour essayer de voir une autre ouverture et reconnu le sceau du Roi Bladdyn. Ce coffre n'était pas un cadeau des dieux, c'était une mission que quelqu'un avait perdue, peut être celui qui s'était noyé dans le lac ? Elle retourna encore le coffre, et aperçu un autre sceau, celui du destinataire. 

- Ce coffre doit retrouver son maître, c'est un présent semble-t-il, et pas pour n'importe qui. En plus de mon invention, la reine sera heureuse que je fasse un ambassadeur de choix se dit-elle...

Elle ramasse son bouquet, siffla et attendit le retour de son cheval. Lorsqu'il arriva, elle accrocha le coffre, et repartit pour le château des îles Biblos...

 

 

 

 

 

 

 

 

 



19/04/2007
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