Double Sword

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Chapitre III : Un retour chez soi.

   Je marchais d'un pas sombre et lugubre piétinant l'herbe enneigé de mes pas lourds. Je savais pertinemment ce qui m'attendrai sur le chemin. La forêt entourait mes déplacements. Mon compagnon se battait devant moi contre les branches trop basses des arbrisseaux. Trois jours de marche à travers la forêt maudite de Sulligen nous avaient rendus irascibles, et plein de rancoeur. Entre les fossés trop larges que nous devions contourner sur des miles, les rocs surélevés à escalader, nos paquetages sur le dos et toutes ces choses qui gâchent le voyage, ce que nous détestions le plus étaient les arbrisseaux. Ces arbres n'étaient qu'épines tranchantes coupant la chair au moindre faux mouvement. Le dernier fossé profond de 5m mètres nous avait déplacé sur 10 miles à travers une végétation plus luxuriante encore. Avec un peu de chance nous atteindrons la muraille frontière demain m'avait dit hier Crassbash. Aujourd'hui, il maudit ses propres paroles.

   Mon père lui-même, roi de mes songes me décrivant maintes batailles et dont l'héroïsme n'est plus à prouver, me regarda d'un air peiné ce fameux jour où ma mère me dit : 

- L'heure est venue pour toi de récupérer ce que nous avons tous perdu. Tu iras en Elvorfilie, tu chercheras le chemin unique, celui qui mène au château de ce royaume. Tu passeras par les 5 provinces d'Elvorfilie et tu te présenteras sous le nom de Elvorfilio Reis. Tu mèneras notre combat là où nous l'avons arrêté.

   C'était pour moi, la première fois qu'on me nommait Reis, Roi.

- Roi de quoi ? De quel combat veux-tu que je m'occupe ?

- Il y a 3500 ans, Elvor, roi de Elvorfilie se sacrifia pour son peuple. Celui-ci n'a eu de cesse de poursuivre les enfants d'Elvor jusqu'à la frontière. Le peuple d'Elvorfilie a poursuivi tes parents parce qu'il s'est rendu compte qu'ils étaient la source du problème.

   Voyant ma mère me raconter une nouvelle histoire épique, je m'assis sur le tabouret de notre cuisine. Je sentais pourtant dans sa voix toute la tristesse provoquée par les conséquences de cette histoire sur notre destinée à tout les trois.

- A la mort d'Elvor, les gens ont commencé à comprendre que plus Elvor avait fait de bien, plus le mal grandissait en Adralie. Car quoi que nous puissions faire, quoi que notre magie ancestrale ait pu nous apprendre, des forces supérieurs à notre savoir cherchent par tous les moyens à rééquilibrer tôt ou tard les éléments du monde. Elvor ne l'a jamais compris, parce que sa force supérieure à celles de bien des magiciens lui a permis de concentrer le mal en Adralie durant un temps. Lorsque le mal a grandit et que les ténèbres ont envahi le reste du royaume tous les peuples ont souffert car le mal ne réside pas simplement dans les gobelins, les orcs, les spectres qu'il envoie mais aussi dans le coeur de chacun. Elvor n'a pas pu résorber le mal qui avait gagné le coeur de son propre peuple qui chaque jour subissait les assauts répétés des sbires de l'Adralie. 

- A sa mort, continua mon père, le peuple s'en est prit au château et à la vie de tes aïeux. Ils ont réussi à fuir et a se cacher au-delà de la frontière. Pendant 3500 ans, le mal a perduré jusqu'à un certain stade. Aujourd'hui, il croît encore mais moins vite qu'autrefois. Le coeur des hommes et de la cité de Dévianie reflète la bonté et les forces supérieures agissent à nouveau en notre faveur.

- Pour que le bien renaisse définitivement en Elvofilie, il faut que toi, Elvofilio, rassembles à nouveau les peuples et reconcentre le mal en un point. 

- Et je commettrai la même erreur qu'Elvor si je le concentre en un seul point.

- Il ne s'agit pas du même mal, comme nous te l'avons dit les forces supérieures se chargent de rééquilibrer le monde. Toi tu dois lutter contre le mal qui lui ne cherche qu'une chose, laisser le déséquilibre et contraindre les forces supérieures à ce désordre.

- Pendant longtemps, nous nous sommes dit que le peuple ne chercherait pas à nous joindre mais ces derniers temps de nombreux appels nous sont parvenus.

   Pendant de longues nuit mes parents s'étaient enfermés au sein de la chapelle et restés insouciants à mes questions, jusqu'au moment ou ma présence semblait les perturber. Ils recevaient les plaintes des servants d'Elvor, me dis-je alors.

- Crassbash t'accompagnera, me dit mon père comme un semblant de réconfort..

  

   Crassbash me désigna une clairière sur notre droite. Les arbrisseaux n'y avait pas encore poussé.

   En s'approchant, nous comprîmes qu'il ne s'agissait pas d'une clairière mais d'une zone dévastée par le feu. L'herbe y était à peine repoussée, de nombreuses branches calcinées jonchaient le sol, et quelques souches d'arbres plus importantes étaient encore présentes.

- La foudre, me dit Crassbash…

   Je hochai de la tête, pourtant l'aspect de cette clairière ne me plaisait guère. Nous déposâmes nos paquetages et montâmes nos tentes en toute hâte.

- Occupe-toi du gibier, je vais chercher du bois.

- D'accord Elvorfilio, mais restons près d'ici, le bois pas sûr.

   Nouveau hochement de tête.

   Malgré toute l'affection que je portais à Crassbash, la compagnie d'un orc n'est jamais vraiment appréciable lors d'un repas. Il avait comme met favori le cœur du gibier qu'il avait capturé. Éventrant la biche, il lui arracha le cœur sanglant et l'avala comme on avale un sucre. Je me contentai de sourire, observant avec perplexité le morceau de viande rouge et saignant que Crassbash m'avait donné.

 

   De tout age, je n'avais connu comme seul ami que Crassbash. Sa compagnie ne m'avait pas toujours été d'une grande aide avec les femmes et parmi nos jeux favoris, les parties de caches-caches en avaient fait fuir plus d'une. Parmi les cachettes préférées de Crassbash, les tombes fraîchement creusées par le fossoyeur attendant leur futur habitant. Cela avait rendu les villageois extrêmement méfiants de notre famille. Mon père avait à plusieurs reprises dû intervenir avant que Crassbash et moi-même soyons brûlé sur la place du marché. Il faut dire que retrouver un orc balourd et souriant au fond d'une tombe en avait effrayé plus d'un.

   Crassbash n'était pas qu'un ami de jeu, il avait été pour moi, un grand protecteur. Sarindor, mon grand-père, avait sauvé sa famille lors d'une attaque près de la muraille frontière. Les gobelins de Sotûl avaient à maintes reprises tenté des incursions de notre côté. Un jour un aïeul de Crassbash avait été surpris à défendre une petite fille prise au piège par des gobelins. Les villageois crurent tout d'abord que l'orc avait voulu dévorer la petite pour son propre compte en l'extirpant aux gobelins. Haut de 3 m, son aïeul faisait peur à voir. Un villageois était allé chercher de l'aide afin de sauver la petite de l'orc. Sarindor en faisait partie. Au moment où l'orc rendit la petite aux villageois, ceux–ci foncèrent sur lui. Sarindor intervint juste à temps pour le sauver, il arrêta les villageois par un sort de pétrification. Puis les ranima et leur expliqua que l'orc devait survivre.

   Les villageois ne comprirent pas et voulurent se débarrasser de l'orc avant que celui-ci ne fasse d'autres méfaits. Sarindor demanda à l'orc de présenter son bras gauche, puis se retournant vers les villageois.

- Ne voyez vous donc pas ?

- Si, je vois un orc qui t'a monté la tête Sarindor !

- Cette marque est la marque des Orc de Sin ! Cette orc est un orc légendaire…

- Il n'y a plus d'Orc de Sin depuis la bataille de 1340…Ils ont tous été décimés, cria une vieille femme.

- C'est un subterfuge, cria un autre homme, ou plutôt une imposture.

- Oui cria la foule…Ah mort l'orc…

- Non les orcs de Sin n'ont pas tous été décimés, cette marque en est la preuve.

- En quoi cela change la donne ?

- Les orc de Sin ont toujours été pacifiques, il sont amicaux et gardent les frontières entre Melwindie et Uskulaie. Tu le sais autant que moi Eldrus.

- C'est vrai, les Sin ont sauvé mon village et garanti la paix entre les deux provinces…finit par admettre Eldrus, le villageois en chef. Eh bien dans ce cas tu devras en être le garant Sarindor. A toi l'honneur de veiller à ce que cet orc et sa lignée ne blesse jamais notre village. Mais dis- toi bien que ta présence n'est tolérée au même titre que celle de l'orc qu'au seul fait de ta puissance..

- Il l'a déjà démontrée aujourd'hui Eldrus en sauvant ta fille.

   Peu après le départ des villageois, l'orc signala à Sarindor :

- Je ne suis ni ton esclave ni ton ami ni ton chien fidèle…Fils d'Elvor

- Je ne t'en demande pas plus Orc.

   Interloqué, l'orc remercia néanmoins Sarindor et partit.

- Avant que tu ne t'en ailles Orc, sache une chose, je ne t'ai sauvé la vie que parce que mon père à gâché celle de ta famille…

- En Elvorfilie, plus personne n'est maître, là-bas c'est le chaos. Seul les forts utilise les faibles, même un Reis ne pourra jamais réunir le peuple, et encore moins les provinces. Trop de sang a coulé depuis la mort de ton aïeul.

- Pourquoi ne pas commencer maintenant alors?

- Ce n'est pas parce que tu as fait la paix entre Eldrus et moi que tu as réuni le monde…

   C'était pourtant un début. Génération après génération, les humains et les Orcs de Sin avaient fini par se tolérer. Crassbash et moi-même n'étions qu'un exemple de ces nombreuses rencontres.

 

- Bonne nuit, Elvor. 

   Crassbash, avait le don de me sortir de mes pensées, mais en employant ce diminutif, je sentis sur moi tout le poids, que notre mission représentait. De notre clairière nous apercevions la muraille de la frontière. Demain nous serions en Elvorfilie. Mon pays d'origine dont je ne connaissais rien.

- Bonne nuit Crassbash, dis-je silencieusement en m'assoupissant...



29/03/2007
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